Partie 3
Permaculture, doit-on s’ancrer dans un lieu ?
Journal de bord : à la rencontre d'un adepte de la permaculture.
Julien est parti en immersion pendant 10 jours au camping de Poul’Art en Haute-Garonne (31) pour suivre une formation en permaculture. Jour après jour, ce père de famille me raconte son expérience en messages WhatsApp.
J’adore appréhender les principes de la permaculture à travers son ressenti et ses réflexions, que je te retrace avec ce journal de bord.
Et on t’embarque avec nous pour ce troisième article.
D’ailleurs, tu peux lire le premier article “Construire son jardin d’Eden sur Terre grâce à la permaculture” et le deuxième article de la série “Tout s’influence en permaculture“
Jour 7 : Sol et compost
14 juillet 2023 : camping Poul’Art
Aujourd’hui, le groupe met l’accent sur le sol, sa composition et les influences qui peuvent s’y exercer.
En 30 secondes, Julien me récapitule que le sol est composé de matières organiques, de minéraux et de vie microbienne et animale. Il est formé par la roche, les minéraux, le climat, la faune et la flore, ainsi que par la topographie (relief) et la durée (changement climatique).
Il me donne un exemple “Le sol agricole d’un hectare, sur les 10-15 premiers centimètres, contient 60 tonnes de vers de terre, 125 tonnes de bactéries et 375 tonnes d’humus et matières organiques.”
Nouveau mot pour moi “humus“. Pas de jugement s’il te plait, je n’y connaissais rien jusqu’à présent, merci à Julien. Il m’explique que l’humus, cette terre provenant de la décomposition des végétaux, règle les carences et les extrêmes du sol, qu’il soit acide ou alcalin. Il est d’ailleurs plus intelligent de rajouter de l’humus que de l’acidité à un sol alcalin et vice-versa.
Julien me précise l’air de rien “si l’on augmente la matière organique dans le sol des terres cultivées du monde, on pourrait séquestrer tout le CO2 atmosphérique.“ WTF ! Ça me parait fou.
Tout feu tout flamme, Julien me parle de toilettes sèches, d’humus et de compost.
Le compost, qu’est-ce que c’est ?
C’est un engrais formé par le mélange fermenté de débris organiques avec des matières minérales.
Julien me précise “La base du compost est que la matière doit être en contact avec le sol (terre) afin que des échanges se produisent avec les vers de terre et les bactéries.”
Il me mentionne qu’en chauffant le compost, soit par une serre, soit par des excréments chauds d’animaux ou d’humains, il est possible de chauffer l’eau de la maison.
Ça me fait penser directement à l’initiative de la ville de Derval en Loire-Atlantique. Elle utilise les déjections animales pour chauffer ainsi qu’éclairer la piscine municipale et le lycée agricole.
En utilisant des toilettes sèches en contact avec le sol, et en laissant macérer, cela devient de l’humus tout noir, une poudre à récupérer, prête à l’emploi pour l’utiliser sur les terres.
“J’étais ouvert déjà au principe des toilettes sèches” ; je sens que Julien s’emporte : “car ça fait chier de pisser dans de l’eau potable, c’est une aberration. C’est une eau nettoyée et purifiée, donc ça n’a aucun intérêt. Surtout que les toilettes sèches créent un compost qui se réutilise pour tes plantes et ton lieu.”
Julien s’ouvre un peu plus chaque jour sur son ressenti :
“Si tu as la théorie, la meilleure compréhension reste la pratique. Il y a tellement d’informations, c’est une fois de plus très dense. Wahou ça fait vraiment beaucoup, je ne me sentirai pas de me lancer dans ce genre de projet tout seul. J’aurais aimé rencontrer les formateurs lorsque j’étais ouvrier paysagiste. Bosser avec eux, c’est avoir une vision permaculture, c’est-à-dire de résilience, de facilité, de chose saine et logique même.”
Il me partage également sa vision
“Tu te rends compte qu’il y a vraiment des possibilités. Le monde parait alarmiste aujourd’hui, mais des solutions existent depuis plus de 30/40 ans ! Ce n’est pas nouveau. C’est dommage qu’on ne prenne pas le temps d’écouter les bonnes personnes, que les États ne se tournent pas vers la permaculture. Je crois vraiment que ça pourrait être fait à grande échelle, je ne dis pas partout, mais suffisamment pour revenir à une terre en bonne santé, à un monde sain.”
Jour 8 : Jardinage
15 juillet 2023 : camping Poul’Art
Le 8e jour est consacré au jardinage et au potager.
Julien m’explique que les permaculteurs considèrent que la permaculture est une révolution déguisée en jardinage. Il me précise “Il y a tout qui jardine dans un lieu : les animaux, le vent, les arbres, la lune, le soleil… Le jardinier n’est que le chef d’orchestre de tout ça.”
Pour jardiner, on revient à la base des 12 principes de la permaculture : Observer & interagir. “Regarde ce qu’on appelle les mauvaises herbes, ce sont des plantes adventices. Elles permettent de comprendre le sol et sa composition pour comprendre comment intervenir en fonction de notre projet” me dit Julien.
Il faut aussi savoir ce qui est nuisible pour notre potager pour le protéger : le vent, les animaux sauvages, etc. ? Julien me précise que “ça nous permet de comprendre le système et de l’équilibrer.”
Ce que je retiens pour le potager :
- Le fumier permet d’enrichir le sol ;
- Les graines sont à préserver pour faire les prochaines plantations. Il correspond à 2 autres principes de la permaculture : Collecter l’énergie et Utiliser les ressources et les services renouvelables.
“Je me rends compte que le jardinage est sans fin, on apprend sans cesse en fonction de l’endroit. Le jardinage amène à se nourrir. On prépare le sol et les semis, on arrose et l’on entretient jusqu’à récupérer le fruit ou le légume pour le préparer à le manger. C’est agréable et gratifiant de travailler la terre qui nous nourrit.” C’est d’ailleurs un autre principe permacole, celui d’Obtenir une production.
Jour 9 & 10 : Animaux et repos
16 juillet 2023 : camping Poul’Art
Dring ! Nouveau message de Julien :
“Aujourd’hui, on a vu les animaux. Ce n’est pas un domaine qui m’intéresse plus que ça, mais au final je me dis que c’est évident d’avoir des animaux sur une terre. C’est même vital, car ça apporte du fumier, de la vie, des échanges, de la nourriture.”
Julien me parle de l’importance d’avoir un pâturage tournant c’est-à-dire de déplacer les animaux d’enclos. Cela évite les parasites et permet à l’herbe de repousser.
Son groupe a passé en revue les différents animaux de la ferme et l’utilité qu’ils peuvent avoir (autre que l’évidence). Par exemple :
- Les poules sont utilisées aussi pour manger les larves qui poussent dans les bouses de vaches. Ce qui permet d’avoir moins de nuisibles tout en nourrissant les volailles.
- Le cochon fouille le sol avec son groin, ce qui permet de retourner la terre.
- L’ail est un excellent antiparasite naturel pour les animaux.
- Les lombrics et les insectes décompactent les sols, ce qui permet de faire respirer la terre.
- Le coq réveille les Hommes le matin, le chien prévient d’un danger et défend son territoire.
Avoir des animaux est une responsabilité, ils demandent du temps pour s’occuper d’eux. D’ailleurs, Julien me fait remarquer : “Je reste mitigé face aux animaux. Comme j’aime bouger, je me dis que je ne peux ni les gérer ni m’en occuper. Je ne veux pas m’accrocher. Peut-être que je dois aussi travailler sur moi-même, peut-être qu’avoir 4/5 moutons et un poulailler, c’est gérable.”
De son constat vient une nouvelle réflexion :
“C’est drôle parce que je sens que les animaux m’attachent et me contraignent alors que j’aspire à m’attacher à un lieu. Je crois que les animaux vont au-delà d’un sentiment d’attache, c’est un ancrage dans le lieu et le paysage.”
Une phrase qu’il laisse en suspens… je reste avec mes questionnements. Demain est une journée off pour les apprentis en permaculure.
Pour conclure
Je tilte sur la dernière phrase de Julien, sur l’attache et l’ancrage. Je trouve cela curieux son raisonnement, et je me retrouve aussi dans ses propos. Pas sur celui des animaux, mais le fait même d’avoir un bercail, un lieu de vie qui m’attache et m’ancre à un endroit précis.
On se retrouve la semaine prochaine pour les 3 derniers jours de Julien au camping Poul’Art. Va-t-il décrocher son certificat en permaculture ?
⚠️ Attention !
Ce journal de bord n’est en aucun cas le résumé de la formation en permaculture donnée par Jessie et Andrew Darlington. Pour plus d’informations, rends-toi sur leur site dédié.
Lire l’article suivant : Partie 4 – Quand la permaculture aide à façonner notre vision du monde