Partie 2
Tout s'influence en permaculture
Journal de bord : à la rencontre d'un adepte de la permaculture.
Julien, un passionné de permaculture, part à la rencontre de ce monde qui l’intéresse tant à l’éco-lieu de Poul’Art, en Haute-Garonne (31). Il suit une formation de 10 jours donnée par Jessie et Andy Darlington afin de créer son propre jardin d’Eden.
Je continue d’explorer la permaculture au travers des yeux de Julien. Grâce à ce journal de bord, je te retranscris son expérience dans ce deuxième article.
C’est parti !
D’ailleurs, tu peux lire le premier article de cette série : Construire son jardin d’Eden sur Terre grâce à la permaculture
Jour 3 : Climat
10 juillet 2023 : camping Poul’Art
Dring. Nouvel audio de Julien ! Je me précipite sur mon téléphone pour l’écouter.
Dès le 3e jour, “Ça devient très technique” me précise Julien. Et je le ressens, il y a beaucoup de termes complexes que je ne suis pas sûre de comprendre. Ça me frustre autant que ça attise ma curiosité.
La matinée est consacrée au climat et à sa compréhension. Un sujet plus pointu qu’il n’y parait.
Julien et son groupe étudient le soleil, son inclinaison par rapport à la terre et l’ensoleillement du lieu de vie Poul’Art.“On part toujours du macro-climat pour aller au micro-climat” m’annonce-t-il.
Avec ces précédents audios et les principes de la permaculture, cette phrase me parait évidente maintenant. Et pourtant, je pense qu’on l’oublie trop souvent lorsqu’on construit notre bercail.
Je retiens principalement 2 choses :
1. Qu’il existe 5 types de climat : froid, tempéré, continental (ou semi-tropical), tropical et désertique. En faisant des recherches, j’ai vu que c’était le programme de CM1. Ouch. J’aurais été incapable de te faire un cours sur le climat. Comme quoi on apprend les bonnes bases, mais on les oublie vite avec le temps.
- Que c’est le type de climat qui entraine certains facteurs délimitant les contraintes et les limites à un lieu, ici à Poul’Art.
Grâce aux exemples que Julien me donne, j’ai l’impression de percevoir ce qu’il veut dire :
“Si tu es dans une zone tempérée, mais proche d’un climat tropical, tu peux créer une zone grâce à des plantes. En jouant avec la réverbération du soleil et de l’eau, tu peux faire monter la température et créer un micro-climat. Tu peux donc avoir par exemple 2 récoltes différentes, puisque le climat s’adapte à l’une et à l’autre.”
L’après-midi, les 11 apprentis en permaculture et les 2 formateurs participent à un jeu. Le but ? Se mettre chacun à égale distance de 2 autres personnes.
“Moi, je faisais en sorte d’être entre les 2 personnes, mais je n’avais pas compris qu’il fallait être à égale distance, donc qu’il y a une ligne, ce n’est pas juste un point. Ça m’a permis de me rendre compte réellement que moi, j’étais un système et j’influençais un autre système. Ces deux personnes elles-mêmes qui se basaient sur un autre système qu’elles influencent aussi. Et l’ensemble forme un autre système.”
Pour mieux comprendre l’expérience qu’il a vécue, Julien m’explique que :
”Nous sommes tous un système, les organes en sont un autre, les cellules encore un autre. Et l’ensemble de ces différents systèmes donne le corps humain.”
Il faut prendre en considération qu’il y a des structures visibles (comme la terre et la nature) et des structures invisibles (ex : structures internes à une personne comme son éducation, structures sociales comme les lois) qui s’influencent.
Cette journée se termine par la prise de calculs du lieu avec le dénivelé du terrain de Poul’Art, ainsi que des notions de Low-tech..
Jour 4 & 5 : Eau et repos
11 juillet 2023 : camping Poul’Art
Nouvelle journée, nouvel audio. Julien m’en apprend davantage sur l’eau de manière générale, sa collecte et son stockage.
Nous savons tous que c’est un enjeu important et qu’il le sera encore plus à l’avenir.
Il m’explique les facteurs d’évaporation d’eau et que c’est important pour créer une zone de collecte. “Cette zone est déterminée selon une surface perméable (qui absorbe l’eau) et imperméable (qui ne laisse pas pénétrer l’eau). Cela dépend aussi de l’usage que l’on veut faire de l’eau (se laver, arroser…), ainsi que de la nature du sol et des points d’accès.”
Plus spécifiquement, Julien m’annonce qu’il existe 8 règles pour l’eau de pluie :
- Observer longuement et avoir une réflexion lente ;
- Agir du haut : d’où vient l‘eau ?
- Commencer par faire des petits travaux et simples ;
- Étaler, ralentir, faire s’infiltrer ou répartir l’eau plutôt que de ramasser l’eau ;
- Prévoir des trop pleins en cas de gros orages et les utiliser comme ressources pour d’autre système si possible ;
- Maximiser la couverture du sol par le vivant et la matière organique, c’est-à-dire que l’eau récoltée fait croitre les ressources du lieu, dont le sol a la capacité du sol à stocker l’eau ;
- Maximiser les interactions bénéfiques et l’efficacité du système par la superposition des fonctions ;
- Tester ou re-tester la boucle rétroactive. On part toujours de l’observation des réactions sur le lieu. Puis on reprend notre liste au point nº1, on implémente si nécessaire des changements en se laissant guider par les principes.
Ensuite, les participants de la formation en permaculture projettent ce qu’ils rêvent de faire selon le projet des propriétaires de Poul’Art.
“C’est intéressant, parce qu’il a des choses communes ou complémentaires. Cet échange permet de donner une ligne directrice pour le lieu et de travailler sur les structures visibles et invisibles du camping.”
Cet exercice sera répété plusieurs jours afin de déterminer ce qu’on appelle le “design du lieu“.
Le 5e jour est dédié au repos. C’est donc le lendemain que je retrouve la voix de Julien.
Jour 6 : Arbres et forêts
13 juillet 2023 : camping Poul’Art
La voix de Julien se fait petite. “Ce matin, ça a été difficile, j’étais vraiment fatigué. C’est toujours très intéressant et dense à la fois.” Il peine à commencer l’audio. Pour moi, de l’autre côté du téléphone, c’est un moment de teasing incroyable.
Puis, il commence, “On a vu les arbres, ce qu’ils peuvent faire, leurs fonctions et comment les utiliser. En perma, on les utilise surtout en haie ou en brise vent, ou bien comme nourriture pour les humains avec les fruitiers ou pour les animaux avec les arbres fourragers.”
Julien se questionne beaucoup : “Je ne sais pas trop quoi penser en fait, les arbres c’est fascinant. Ce que j’aimais quand j’étais ouvrier paysagiste, c’était la taille des arbres, car je n’avais pas d’outils motorisés, c’était agréable d’être dans les arbres.”
Je sens que cette journée a été quelque part “révélatrice” de nos modes de penser et savoir-faire.
Là où Julien pense directement à tailler l’arbre, sûrement par réflexe professionnel, le formateur Andy, lui, l’évite au maximum. Il insiste d’abord et surtout sur la lecture de l’arbre, pour comprendre pourquoi et comment il est arrivé à telle forme ; avant d’entamer toute action.
Julien poursuit “Je me rends compte qu’il y a d’autres manières de faire que ce j’ai pu apprendre en tant que paysagiste, moins énergivore et plus logique dans le sens où elle respecte le vivant.”
L’après-midi, le groupe d’apprentis en permaculture est allé sur le terrain, ils ont fait un tour des arbres fruitiers du camping. “Cette sortie est intéressante, car c’était concret, on pouvait voir et toucher”, me précise Julien. Le groupe a également vu beaucoup de technique comme la greffe ou le marcottage.
Une phrase de Julien m’a particulièrement marquée ce jour-là :
“C’est tellement logique, on a tellement l’habitude de “détruire” qu’on ne pense pas forcément à d’autres solutions qui sont bonnes et demandent moins d’énergie.”
Le “on a toujours fait comme ça” devient la norme. On ne remet plus en question nos manières de faire et de consommer. C’est une réflexion que j’ai quotidiennement sur l’habitat et dont je peux explorer les contours avec Au Bercail.
Julien me partage sa réflexion autour de la permaculture : “La permaculture, de ce que je comprends, ce n’est pas de faire comme on a envie, mais de faire avec ce qu’il y a. S’il peut ne pas y avoir d’intervention ou s’il existe une intervention qui demande le moins d’énergie, alors c’est surement la solution la plus adaptée. Parce que nous sommes dans la culture de vouloir “faire propre et faire tout bien”, alors qu’au final, la nature a ses propres réactions et sa propre manière de faire et de vivre.”
Julien conclut l’audio de la journée :
“Les arbres sont fascinants pour ce qu’ils nous apportent : ombre, nourriture et matière première si on l’exploite (en construction et en ameublement). C’était intéressant d’assimiler ces informations avec mes connaissances des arbres en tant que paysagiste. Je sais que si je dois acheter un terrain, je prévois un bout de forêt ou de bois pour l’utiliser.”
Pour conclure
De ces trois derniers jours, je me rends compte que la permaculture est plus complexe et plus terre à terre que je ne pensais. Je n’arrivais pas bien à définir ce concept, maintenant je sais qu’elle s’appuie avant tout sur les faits et données existantes de notre environnement.
Bien qu’il y ait beaucoup d’information à digérer, j’ai hâte que Julien me raconte la suite de son aventure entre l’analyse du sol, le jardinage et les animaux.
⚠️ Attention !
Cette série d’articles retranscrit uniquement les réflexions et l’expérience d’un apprenti en permaculture. Si tu veux en savoir plus sur cette formation donnée par Jessie et Andrew Darlington, tu peux te rendre sur leur site.
Lire l’article suivant : Partie 3 – Permaculture, doit-on s’ancrer dans un lieu ?